Une explosion. Ses oreilles qui n'entendaient plus rien. Qui n'entendraient peut être plus jamais rien que ce bruit infernal. Khaled. Une douleur dans sa chair et dans son cœur. Suleyman. Comment, pourquoi, pourquoi son bébé ? Il ne demandait qu'à vivre. Et où était elle ? Elle regarda autour d'elle, perdue, l'air hagard. Elle était seule, sur un grand plancher entouré de barrières. Avec un... Un mat. Elle était sur un bateau. Peut être était-elle morte dans l'explosion sans le réaliser vraiment. Elle avait eu l'impression d'être simplement touchée à la jambe par des débris, mais peut être que non. Peut être qu'elle était dans l'autre monde.
Mais alors, pourquoi avait-elle encore mal ? Elle baissa les yeux vers ses jambes. Le sang avait un peu tâché son abbaya mais les blessures étaient en train de se refermer, elle pouvait le sentir à travers le tissu. Quel était ce miracle ? Alors oui, peut être qu'elle était morte. Pourquoi était elle seule ? Qu'avait-elle fait de si grave pour mériter cette punition ? On lui avait enlevé ses enfants, sa seule raison de vivre, et pourtant, n'étaient ils pas morts eux aussi ? Diya avait peut être survécu, mais Khaled... Son petit corps tendre avait dû être mis en pièces. Elle pleurait. Ses larmes roulaient sur la poussière qui maculait ses joues.
Elle devait prier. Peut être Allah lui expliquerait-il ce qui se passait. Elle se leva et regarda autour d'elle, cherchant la direction de la Mecque. Le soleil était en plein milieu du ciel et elle ne voyait rien qu'une mer d'huile tout autour du bateau. Elle s'agenouilla en espérant de tout son cœur ne pas tourner le dos à la ville sainte et commença à psalmodier des prières.
Sa jambe était entièrement guérie, s'agenouiller ne lui faisait même pas mal. Elle resta ainsi, à prier, tentant de ne pas laisser sa voix se briser, pendant près d'une heure. Elle finit par s'asseoir contre le mat et fermer les yeux, laissant les larmes couler. Elle aurait bien demandé pardon pour tout ce qu'elle avait fait, mais elle ne comprenait pas ce qui avait pu lui valoir une peine si grave. Elle s'excuserait même de regretter son fils et de haïr son mari, qui avaient peut être fait ce que Dieu désirait, mais dans son cœur elle savait qu'il ne punirait jamais une mère de pleurer son enfant. Elle était perdue. Peut être était elle couchée sur un lit d'hôpital, dans le coma, peut être rêvait-elle ? En tout cas elle était seule. Elle avait abandonné Diya avec celui qui avait tué son garçon. Et lui, on le chercherait. Il fuirait, il fuyait peut être déjà. Elle ne voulait pas que sa fille vive avec lui. Elle voulait partir avec elle, loin de tout ça, laisser la justice retrouver son mari et en faire ce que Dieu voulait. Elle voulait ses enfants. Elle voulait son fils, mais elle le savait mort. Qui avait pu lui prendre son enfant avant que la mort ne la prenne elle même ? C'était injuste.
Elle entendit des pas. Quelqu'un venait. Pitié, pas un homme. Elle souffrirait trop de devoir s'éloigner de la seule présence de ce nouveau monde. Elle devait savoir où elle était. Elle ferma les yeux, pour ne pas savoir et articula d'une voix froide, qui ne tremblait pas :
"Qui êtes-vous ?"