Vous voilà sur la Nef de la Pleureuse et du Fou, entre époques et continents... |
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| Itadakimas. - PV. Hui Ying | |
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Kurogane
Messages : 70 Date d'inscription : 11/07/2010 Sexe du Personnage : masculin Profession : Yakuza
La vie d'avant... Date de Naissance: 31/10/2001 Âge du Personnage: 18 Lieu de Naissance: Tôkyô, Japon
| Sujet: Itadakimas. - PV. Hui Ying Dim 26 Sep - 0:24 | |
| Dans la pièce, doucement, un bruit sourd grondait ; comme un son provenant des enfers, il ne semblait surgir de nulle part en particulier, mais planer dans la pièce entière. Cependant, ce qui était à l’origine de ce bruit n’était ni Satan (Raijin n’étant pas présent sur la Nef), ni les démons, ni les flammes. C’était un jeune homme. Ou plutôt, son estomac. Cloué sur son lit, allongé sur le dos et les bras grands ouverts tel un soldat blessé au combat, Kurogane soupirait. Il n’avait rien mangé depuis le réveil, et mourait littéralement de faim. Lui qui ne savait pas cuisiner et qui laissait, de son vivant, cette tâche ingrate à des mignonnes petites jeunes filles de son âge ou à des serviteurs, il était complètement livré à lui même. Il se souvenait encore des mignons petits bentôs préparés par ses copines de la semaine auxquels il avait eu droit, ou aux luxueux repas qu’il faisait à Tokyo dans les galas de la haute société. Ah, pourquoi, Kami-sama ? Pourquoi est-ce qu’on ne lui avait pas envoyé cette petite idol en jupette (enfin, de préférence, habillée en soubrette) pour lui faire de grands sourires, des bisous, des câlins, et des repas faits maison? Rien que l’idée de devoir de nouveau manger un sandwich ou des onigiri (parce qu’il ne savait rien préparer d’autre) lui donnait envie de vomir. Pire encore, la cuisine japonaise lui manquait tellement qu’il était très occupé à recenser, salivant d’avance, les plats qui lui manquaient le plus. Et la liste était longue. Cela ne pouvait plus durer. Il y avait des dizaines de personnes et de bouquins de cuisine, sur ce fichu rafiot. Il trouverait bien un livre de cuisine japonaise et une âme assez charitable pour lui préparer quelque chose. Soudain, l’illumination divine le frappa. Le démon avait déjà trouvé sa victime. A cette pensée, un large sourire se dessina sur son visage. La cible choisie était parfaite : incapable de lui résister, toujours sur la défensive, et incroyablement docile. Il ne restait plus qu’à élaborer une stratégie de choc pour la capturer et en faire son esclave. Mais Kurogane avait bien trop faim pour réfléchir à une stratégie digne de ce nom. Et toute âme sait qu’un adolescent japonais affamé est dangereux. Il décida alors, pour le bien de l’humanité, de laisser tomber toute idée d’élaboration d’un plan diabolique et de se contenter de la solution simple et efficace qu’il utilisait souvent. L’entrée fracassante. Pris d’une poussée d’enthousiasme renforcée par l’hypoglycémie, il se leva d’un bond, sortit de sa chambre en claquant la porte, et courut vers la bibliothèque. Une fois dans la pièce, heureusement vide, il se mit à fouiller l’étagère des livres de cuisine, à la recherche de la perle rare. Il finit par tomber sur un livre très célèbre parmi les femmes au foyer du Japon quand il était petit, écrit par une mystérieuse Kurihara Harumi, intitulé « Aujourd’hui, je cuisine japonais ». Bon. Ca ferait sûrement l’affaire. Ricanant comme un démon qu’il était, il sortit de la bibliothèque, livre en main, et un sale sourire diabolique aux lèvres. A l’instant, elle ne devait se douter de rien, la pauvre petite. Il arpenta les couloirs à la recherche de la fameuse chambre, et, lorsqu’il en aperçut la porte, il s’approcha furtivement. Il colla son dos et ses bras contre le mur, comme un ninja en mission, et entreprit de songer à son plan d’attaque. Le principal, c’était l’effet de surprise. Il fallait lui faire peur un bon coup, et ce serait gagné.
L’adolescent s’approcha de la porte, et posa son oreille dessus. Aucun bruit. Elle devait probablement lire ou dormir. Bon, tant mieux, ce serait plus simple. Il posa sa main sur la poignée, et la tourna tout doucement. Plus sadique que jamais, il fit un lent compte à rebours partant de dix, et dès qu’il fut arrivé à un, il ouvrit la porte en hurlant, faisant trembler les murs :
« HUI YING ! »
Sur ce, tel Godzilla dévastant Tokyo, il débarqua dans la chambre, furieux, poussant des cris de rage et dévastant à l'aide de ses doc martens noires les pauvres piles de livres sur son passage qui formaient un petit chemin à travers la pièce. Les tremblements et le vacarme étaient déjà assez terrifiants ; mais le regard du jeune homme, froid et dur, était peut-être la pire chose que Hui Ying pût endurer à cet instant. S’arrêtant un moment au beau milieu des décombres, le monstre parcourut la pièce du regard, à la recherche de sa proie. Elle devait être dissimulée quelque part dans ce foutoir. Sûrement sous une pile de bouquins. A cette pensée, il regarda au fond à gauche de la pièce, dans l’angle des murs, et aperçut une mèche de cheveux dont la couleur ne lui était pas inconnue. A cette vue, un large sourire se dessina de nouveau sur un visage. Cible verrouillée. Impact dans cinq secondes.
« HUI YING ! » Hurla-t-il de nouveau, d’une horrible voix de yakuza fou de rage. « VIIIENS ICIIIII… »
A ces mots, il s’approcha d’elle, et l’attrapa par le col. Il la releva, et l’obligea à se tourner vers lui, pour le regarder en face.
« J’ai faim, fais-moi à manger !! » S’écria-t-il, trépignant sur place comme un gamin, en lui mettant le livre entre les mains. « Je veux un okonomiyaki ! Avec du porc, des crevettes et des œufs ! Et si jamais tu ne te grouilles pas de le préparer… »
Il ne dit rien, mais lui fit son regard de yakuza qui avait le don de la terrifier, laissant présager de bien mauvaises choses si jamais elle n’obéissait pas. Se mettant de nouveau à ricaner, il arracha sa victime à son nid douillet tapissé de livres et la força à le suivre dans le couloir. Sans même lui demander son avis, il la traîna jusqu’à la cuisine, ferma la porte derrière eux, et la poussa jusque devant une grande plaque chauffante. Puis, il s’assit en face d’elle, et croisa les bras, le regard sévère.
« J’attends. Tu as vingt cinq minutes. » Déclara-t-il, d’un ton ferme, le regard effrayant.
Et encore, il était généreux avec elle. Certaines personnes n’avaient pas eu un laps de temps aussi long pour faire leurs preuves avant de mourir. Pourvu qu’elle survive jusqu’à la fin du temps imparti, ou c’était lui qui allait mourir de faim. PS: 100ème post du forum ! MOUAHAHA ! | |
| | | Hui Ying
Messages : 32 Date d'inscription : 10/08/2010 Age : 32 Sexe du Personnage : féminin Profession : Alchimiste
La vie d'avant... Date de Naissance: 6 mai 1856 Âge du Personnage: 164 ans Lieu de Naissance: Chine
| Sujet: Itadakimasu Mer 29 Sep - 2:57 | |
| Sur la Nef, il n'était plus question de jours et de nuits, ni même d'heures et de minutes. On subissait tout bonnement l'éternité la plus absolue. Ce fait ne gênait d'ailleurs en rien Hui Ying… enfin, si, en un sens, car, n'arrivant pas à se défaire de ce principe de la nuit et du jour -étant restée trop longtemps parmi les hommes-, elle subissait la projection ininterrompue de ce principe dans son esprit. Ainsi, elle vivait encore ici une nuit en contrepartie d’une journée, la journée suivante lui apparaissant alors telle une récompense bien méritée vis-à-vis de tous ses efforts de sang-froid déployés durant le « repos » du soleil. Quel fainéant celui-là d’ailleurs, il a la belle vie ; il se repose la moitié du temps et il organise de temps en temps une grève générale que les humains ont rebaptisé « éclipse du soleil ». Noble qualification pour un fonctionnaire pareil. Il s’éclipse le bougre et prenant la tangente il va siroter un mojito au bistrot du coin. Moi, je m’insurge. Cossard ! En plus, il paraît que tu vas déposer le bilan dans 400 000 ans pour aller passer ta retraite aux Seychelles. Ah, ce problème des retraites, il touche tout le monde décidément...
Hui Ying, donc, avait passé toute la nuit les yeux ouverts à guetter quelque tueur en série venu la tirer de sa mansarde pour accomplir ses sévices. A chaque fois que le sommeil la tenait, elle se relevait d’un coup sur sa couche et guettait, inlassablement. Chaque bruit du navire la tirait de sa torpeur et lui donnait des frissons dans le dos. Sa tête était lourde, si lourde. Son front était comme assailli par une armée de piverts atteints du pivert fou et les moindres tangages de sa tête sur ses épaules faisaient tomber ce branlant édifice si bien qu’on aurait aisément pu la prendre pour une possédée. Ses paupières étaient lourdes elles aussi et elle n’osait même pas imaginer la couleur de ses cernes. Noires, ou peut-être violettes. Allez savoir. Ce doit être ça avoir des cernes « de dix pieds de long ». Chaque nuit, c’était la même chose. Irréversiblement.
Hui Ying était étendue sur le dos. Le soleil avait désormais fini sa lente mise en branle et l’astre trônait comme de coutume dans la voûte céleste. Soupir. Enfin son calvaire avait pris fin. Elle pouvait maintenant souffler tranquillement ; personne ne viendrait l’assassiner. Elle respira profondément. Ses battements de cœur ralentirent progressivement. Enfin la paix. Ses traits et tout son corps se détendit ; elle n’avait plus à lutter. Elle ferma les yeux et tendit l’oreille. Plus aucun bruit. Ils étaient pourtant toujours présents, mais la jeune fille ne les percevait plus. Le silence. Elle se fit d’ailleurs la remarque que personne n’a jamais entendu et n’entendra jamais le véritable silence. En soi, c’est un vain mot qui englobe une réalité subjective ; il n’existe pas à proprement parler. Ce silence-ci était rassurant, plein de notes paisibles. Elle suivait les mouvements répétés de son thorax. Là, elle était bien. Personne ne venait la déranger dans la plénitude de son bonheur. Elle se retourna, se couvrit le corps de sa grande couverture en plume, et attrapa à l’aveuglette son oreiller dans lequel elle engouffra son visage. Si doux et moelleux. Elle s’assoupit dans l’instant.
Quelques heures passèrent au cours desquelles régnait le silence le plus plat. Instants de délice. Après ce repos bien mérité, Hui Ying resta un temps encore dans la chaleur de ce nid douillet, puis elle se releva sur son séant et frotta du revers de ses mains ses paupières éprouvées par ces incessantes veillées nocturnes. Son visage était encore tout bouffi de sommeil. Elle regarda autour d’elle tranquillement et remarqua la chose suivante : fait très étrange, un livre avait été mal rangé dans ces rayonnages-livres. Remarquez que l’étagère fait ici double emploi car les livres servent de reposoirs pour les autres livres qui viennent s’échouer entre les mains de l’alchimiste. Ingénieux, n’est-ce pas ? Elle s’appliqua donc tout de suite à corriger cette tare inadmissible. Ah ce contact de la couverture… toujours aussi agréable…
Un léger bruit vint la tirer de sa béatitude. Ce n’était que lointain, mais il lui semblait pourtant que ce bruit si coutumier se rapprochait de plus en plus. Elle tendit l’oreille. Non non, je dois me faire des idées. Ce ne peut pas être ça. Elle revint à sa tâche. Néanmoins, le bruit se faisait de plus en plus audible et elle fronçait désormais les sourcils en cherchant qui cela pouvait bien être. Vu le boucan que cette personne faisait, ce n’était sûrement pas quelqu’un de réservé. Et puis, les pas étaient trop forts pour que ce soit une femme. Qui cela pouvait-il bien être… Non ! Tout mais pas lui ! Oh, peut-être se faisait-elle des idées quant à l’identité du personnage. Et puis, cet individu pouvait très bien se rendre dans une cabine voisine. Qui était à côté déjà ? Si c’était vraiment qui elle craignait que ce soit, peut-être se rendait-il tout bonnement chez Nephtys. Apparemment ces deux-là entretiendraient une relation particulière si les ragots qu’elle avait ouïs dire aux bains étaient vrais. Elle se figea pour mieux percevoir les sons provenant du couloir. Sa gorge était sèche et elle ravala péniblement sa salive. Plus aucun doute, c’était lui. Le bruit cessa soudain. Quoi ? Qu’est-ce ? Peut-être a-t-il passé son chemin et est-il déjà loin. Oui, c’est sûrement le cas. Hui Ying tenta de se convaincre de ce mensonge auquel elle-même n’osait pas croire. Elle voulut se blottir dans sa couverture pour une autre heure de sommeil, mais son destin était scellé depuis longtemps. Telle la proie pourchassée par son prédateur naturel, elle se sentait malgré elle aculée jusque dans ses derniers retranchements ; elle ne pouvait échapper à l’inéluctable, et ça, elle ne le savait que trop bien.
Pathétique, ma fille. Pourquoi un morveux pareil te fait-il peur ? Tu peux me le dire, je te prie. Oh ça va, toi, la voix off. On t’a pas sonnée, et puis ce n’est pas toi qui doit te le coltiner, alors tes sermons, hein, tu te les mets là où je pense.
Elle se recouvrit de toute sa couverture pour, qui sait, tromper l’ennemi. Elle tendit davantage l’oreille. Maintenant, son ennemi juré tournait la poignée tout doucement. Quoi ? Il ne pensait tout de même pas qu’il allait ainsi rentrer chez elle! Dans les appartements d’une jeune fille! Comme dans un moulin ! L’impudent ! Enfin… elle ne pouvait pas faire grand-chose pour le contrer ; il était plus grand, plus robuste, plus têtu, et le pire de tout, gamin. Contre la bêtise seule elle ne pouvait rien alors le reste…
Son sang se figea. Il entre. Que faire ? Ne pas bouger, ne surtout pas bouger. Elle suffoquait telle la bête traquée qui espère toujours au moment fatal échapper à son destin funeste. Son cœur battait fort, tellement fort… mais il allait l’entendre si elle n’y prêtait pas garde ! C’est que ça fait du bruit un cœur. Ce n’est jamais au repos ces choses-là… enfin, façon de parler…
Le monstre ne se fit pas plus attendre. Ce fut d’abord le bout d’une Doc Martens flamboyante qui pointa le museau, en éclaireur, puis, quand il se fut assuré du succès de son entreprise, la jambe fit elle aussi son entrée, discrète. Aucun bruit, aucune parole. Un silence de mort, seulement, qui ne présageait rien de bon. Soudain, d’un coup sec, la porte alla se fracasser contre le mur de livres. Quelques-uns tombèrent dans la bataille et Hui Ying dut réprimer un cri de souffrance en entendant tomber les pauvres victimes de ce bourreau sans pitié. Elle se mordit la lèvre inférieure. Combien de livres avait-il bien pu faire tomber ? Il faudrait une éternité avant de pouvoir réparer et remettre à leur place ces tristes hères. Ne vous inquiétez pas, maman vous sauvera quand le méchant monsieur sera parti. Un meuglement cri se fit entendre.
« HUI YING ! »
Ca y est, c’en était fini d’elle. Désormais, plus rien ne la retenait sur la Nef. N’ayant pas de descendance, j’offre mon corps à la science. Oh eh, Hui Ying, c’est pas le moment pour ton testament. Il y a des choses plus urgentes. Pff, oh ça va… Quoi ? Tu t’rebelles ? Oh tais-toi un peu. C’est toi qui va mourir, peut-être ? Non, alors stop. Sur la question, je serai intraitable.
Le démon reprit de plus belle son insupportable mélopée. Mais laisse-moi tranquille. Je veux dormir, moi. Je n’ai pas dormi de toute la nuit, moi. Ah, j’oubliais, tu ne peux pas comprendre, toi ; la nuit, tu célèbres la vie, alors bien sûr les insomnies ça te connaît. Elle fourra sa tête plus profondément encore dans son oreiller. Sans espoir. Le misérable avait déjà commencé sa recherche effrénée. A croire qu’elle était une sorte d’oiseau rare qu’il voulait à tout pris voir empaillé dans son salon. Les piles de livres s’écroulaient immanquablement les unes après les autres. Arghh. Hui Ying, tiens le coup. Si ça se trouve, il va bientôt se fatiguer et va s’en retourner comme il est venu. Vain espoir. Kurogane venait de repérer cet amas informe et suspect. Un peu comme un paquet de linge sale en fait. Oui, un paquet de linge sale attendant qu’une machine à laver de l’esquif se libère. Pénurie de machines ? Il faut bien faire avec, alors le linge s’amasse inexorablement dans les coins des chambres, restrictions budgétaires obligent.
Il l’attrapa au collet. Un peu plus et elle était morte étranglée. Il la releva et par-dessus le marché, il l’obligea à croiser son regard. Ces pieds pendouillaient dans les airs tandis qu’elle tentait de s’extirper de l’étreinte.
« J’ai faim, fais-moi à manger !! »
Ouais, c’est ça mon bonhomme, on lui dira. Sinon, ça va ? Tu ne crois pas que tu me déranges juste un tout petit peu là ? Tu es juste dans ma chambre. Il est, attend voir, 10 heures du mat’ et je suis juste en pyjama et juste encore dans mon lit.
« Je veux un okonomiyaki ! Avec du porc, des crevettes et des œufs ! Et si jamais tu ne te grouilles pas de le préparer… »
Il ne ferait donc pas attention à elle. Jusque-là, elle n’avait pas sourcillé et s’était débattue tant bien que mal, mais là, il lui appliqua le coup de grâce, le regard du yakuza : la forçant à bien ouvrir les yeux, il plongea son regard dans le sien et prit un air menaçant. Elle ne pouvait s’y résoudre. Trop proche, décidément trop proche. Je vais mourir. Qui sait, peut-être va-t-il me confier le virus de la peste. En clair, c’était la mort ou l’abdication. Dilemme harassant. Non, en fait, elle préférait l’abdication ; c’était plus sûr et au moins, il ne l’embêterait que pour un temps. Elle pourrait toujours se sauver après. Elle se résigna donc et acquiesça. Sans crier gare, il la traîna jusque dans les cuisines. Là, il la posta devant les fourneaux et alla s’asseoir en face d’elle.
« J’attends. Tu as vingt cinq minutes. »
Non mais il n’est pas bien dans sa tête, celui-là. L’émancipation de la femme, tu connais ? Elle se retourna et voulut contester l’autorité de son souverain, mais lorsqu’elle croisa son regard, de nouveau, elle se résigna. Il pouvait lui réserver bien pire ; elle devait donc accepter les choses telles qu’elles venaient et ne pas chercher à être maîtresse de son sort, encore moins réfléchir. Elle ouvrit le livre de cuisine qu’elle tenait fermement dans sa main gauche et chercha la page de l’okonomiyaki. Ca ne la rajeunissait pas de cuisiner. Peut-être n’en était-elle plus capable après tout. Ne réfléchis pas. Fonce tête baissée. Plus tôt ce sera fini, et plus tôt tu rejoindras ta chambre.
Elle retroussa ses manches de pyjama et attrapa un saladier et tous les ingrédients de la pâte. Elle n’en n’avait encore jamais fait de toute sa vie. C’aurait été quand même plus simple qu’il lui demande un bon canard laqué ou des nouilles sautées au bœuf. Elle suivit donc scrupuleusement la recette tout en y mettant un peu son grain de sel. Elle mélangea donc le tout et y ajouta du mirin pour relever. En attendant que la pâte repose, elle prit un couteau au hasard et trancha de fines lamelles de choux et de champignons. Il ne faut quand même pas oublier de manger des légumes pour avoir une alimentation équilibrée. Ses gestes devinrent plus amples et assurés. Elle avait oublié cette douce sensation que procure le fait de faire la cuisine. Elle se surprit même à sourire. Après que le cuisinier lui ait confiée les ingrédients restants -le porc, les œufs et les crevettes- Hui Ying, fronçant les sourcils d’un air très professionnel, zyeuta vers la pendule. Ca y est, la pâte avait assez reposé. Elle attrapa une poêle et la mit sur le feu. Un peu d’huile dans le fond pour que ça n’attache pas et le tour était joué. A l’aide d’une louche, elle remua doucement le liquide et une fois satisfaite de ce lent va-et-vient, elle en versa dans la poêle. Une petite mare se forma. Crépitant aussitôt au contact de la chaleur, des cratères se formèrent au bout de quelques instants. Il fallait maintenant mettre la garniture. Elle déposa le porc et les crevettes épars, et cassa les œufs sur la délicate surface de cette sorte de blinis improvisé, puis elle recouvrit le tout frémissant d’une deuxième couche de pâte. Une agréable odeur se dégageait du met. Elle attendit un peu, puis elle retourna la crêpe ainsi formée. Le dessous avait bien doré et semblait de visu croustillant et moelleux à la fois. Ainsi, on pouvait voir une légère coloration brunâtre. Quand tout sembla assez cuit, pas trop, pas trop peu, pas fondant, mais plutôt onctueux, pas croquant, mais plutôt ferme -enfin tout pour qu’on puisse appeler ça un okonomiyaki-, elle éteignit le feu. Elle mit délicatement cette petite colline sur une assiette de couleur ivoire et nappa le tout d’un mélange de sauce teriyaki, de sauce Worcester, et d’un peu de shoyû, et de mayonnaise. La crêpe fut ainsi recouverte de minces filets de sauces rouge et jaune entremêlées. Une sauce aigre-douce censée venir sublimer la douceur de l’okonomiyaki. Pour finir, elle parsema sur le dessus des copeaux de bonite séchée, et un mélange de persil et basilic finement hachés pour donner du goût. Certes, le basilic n’était pas franchement utilisé dans la cuisine japonaise, mais elle avait envie d’oser l’expérience, pour voir. Après une rapide présentation, elle essuya à l’aide d’un torchon les contours de l’assiette, s’essuya les mains sur le susdit torchon, tout en scrutant son œuvre. A la fin de son minutieux examen, elle décida de se lancer et, prenant l’assiette et une paire de baguettes, alla la présenter au jeune homme. Enfin, elle se posta timidement à côté de la table et attendit la sentence tout en se mordillant le pouce et en regardant le bout de ses pieds pour ne pas croiser le regard de l’autre. | |
| | | Kurogane
Messages : 70 Date d'inscription : 11/07/2010 Sexe du Personnage : masculin Profession : Yakuza
La vie d'avant... Date de Naissance: 31/10/2001 Âge du Personnage: 18 Lieu de Naissance: Tôkyô, Japon
| Sujet: Re: Itadakimas. - PV. Hui Ying Mer 6 Oct - 23:10 | |
| Les yeux brillants de gourmandise, le jeune japonais dévorait du regard l’okonomiyaki qui cuisait lentement devant lui. Cela faisait si longtemps qu’il n’en avait pas mangé. La pauvre Hui Ying ne méritait vraiment pas ce qu’il lui avait infligé, que ce soit par la violence de ses actes ou de ses paroles, et la vilaine frayeur qu’il avait dû lui donner, mais bon. Elle cuisinait si bien, il aurait été dommage que personne n’en profite. Et puis, en bon gamin gâté, il était habitué à disposer des gens quand ça lui chantait. On pouvait donc dire qu’il ne l’avait pas fait méchamment. C’était plutôt un caprice qu’il avait fait, comme ça lui prenait souvent. Fermant un instant les yeux, il huma longuement le plat ; ce fumet alléchant lui rappelait tant de souvenirs. Cette crêpe monstrueusement calorique avait toujours été son plat préféré. La raison pour laquelle c’était le cas, il n’osait pas vraiment se l’avouer. Trépignant d’impatience comme un gamin sur sa chaise, il regarda avec attention faire la cuisinière, et suivit toutes les étapes de la préparation. Il faudrait qu’il essaie d’en faire, un jour où Hui Ying serait trop épuisée pour en préparer. Ou bien où elle se serait trop bien cachée pour qu’il la trouve. Le moment de la finalisation, où elle ajouta la sauce et la bonite lui arracha un soupir d’admiration. Il allait bientôt pouvoir goûter à cette merveille ! Plus que quelques secondes d’attente. Il la vit ajouter des herbes occidentales. D’abord méfiant, il finit par se dire qu’elle s’y connaissait, et que ce serait probablement meilleur comme ça. Et puis, il ne voulait surtout pas la contrarier et mettre en danger sa divine crêpe alors qu’elle ne la lui avait pas encore servie. Enfin, l’instant tant attendu finit par arriver. L’assiette se déposa comme par magie devant ses yeux ébahis. L’okonomiyaki coloré, sauce rouge sombre sur pâte dorée, ravit son regard. Sans plus attendre, il attrapa une petite palette en métal et découpa soigneusement la galette en quatre. Puis, joyeux, il joignit ses mains et s’écria, en s’inclinant :
« Itadakiii ! »
Sur ce, mort d’impatience, il se saisit de ses baguettes, attrapa adroitement un morceau de crêpe et mordit dedans. Un silence de mort s’installa dans la pièce. Les yeux rouges du jeune homme, écarquillés, ne bougeaient plus. Oh, mon dieu. Ses papilles venaient d’exploser sous le choc. C’était une merveille, un délice. La perfection à l’état pur. Même au Japon il n’avait mangé un okonomiyaki aussi délicieux. La pâte était croustillante sur le dessus et d’un fondant incomparable à l’intérieur. Les légumes et la viande cuits à la perfection. La sauce, ni trop riche, ni trop légère, le sucré salé parfaitement ajusté. C’était un chef d’œuvre, tout simplement. Réalisant à quel point il avait de la chance, il s’écria, les yeux fermés, comme tout ado japonais l’aurait fait :
« UUUMEEE* ! » *Trop Bon !
A ces mots, il en profita pour engloutir le reste du quart qu’il gardait entre ses baguettes, et, la bouche encore pleine, il lança à l’attention de la pauvre Hui Ying encore si stressée à l’idée de connaître son verdict il y avait quelques instants encore :
« Hui Iin, h’es hun henie ! »
Ce qui aurait donné, si sa bouche n’était pas remplie de crêpe : « Hui Ying, tu es un génie ! ». Bien entendu, lorsqu’on voyait son visage ravi, ce qu’il avait voulu dire devenait à peu près compréhensible. Emu aux larmes, trop heureux de son sort, il se leva pour arracher une paire de baguettes aux entrailles du tiroir et les jeta dans les mains de Hui Ying, en lui désignant le plat avec enthousiasme, comme s’il l’invitait à y goûter. Il retourna l’assiette, de telle sorte que le côté de la crêpe qu’il n’avait pas touché se trouve devant elle. Il devait vraiment, vraiment lui être très reconnaissant pour l’autoriser à goûter Son okonomiyaki. Tandis qu’il dévorait un autre quart de crêpe, les lèvres pleines de sauce écarlate, savourant le plat comme un croyant qui aurait jeûné une journée, il se mit à repenser au Japon. Une fois encore. Même s’il se refusait à se l’avouer, s’il aimait tant ce plat, ce n’était pas par pure préférence. A cette pensée, un vieux souvenir d’enfance revint le hanter. C’était le lendemain de son anniversaire, et lendemain du massacre de sa famille. Le lendemain du jour où Raijin l’avait adopté. Ce soir là, il était assis sur une chaise dans le bureau du parrain, le regard vide et désespéré. Celui de tout enfant qui aurait perdu ceux qui lui étaient chers. Raijin, assis à son bureau, ses lunettes sur le nez, examinait des papiers avec attention. Les très, très rares fois où il était sérieux étaient évidemment les moments où il travaillait. Le parrain, poussant un soupir, releva les yeux vers son fils adoptif. Le petit garçon en costume, l’air maussade, la tête baissée, affichait une expression de condamné à mort. Raijin, esquissant un léger sourire, se leva de sa chaise et alla tapoter la tête du petit Kuro.
« Alors, mon petit cobra, qu’est-ce qu’il y a ? » S’enquit-il, en penchant sa tête légèrement sur le côté, comme un personnage d’anime. « Papa n’aime pas te voir triste comme ça. Qu’est-ce qui te ferait plaisir ? Une petite voiture ? Un cheval ? Un fusil à pompe ? »
Comme le garçon ne répondait pas, le parrain se redressa d’un coup et poussa un grognement. Il détestait lorsqu’on l’ignorait. Faisant les cent pas dans son bureau, la main sur le menton, il se creusa longuement la tête, à la recherche d’une idée qui pourrait redonner le sourire à son fils adoptif. Soudain, l’illumination divine le frappa. Tout fier, se congratulant par la pensée, Raijin songea qu’il était véritablement un dieu.
« Je sais ce qu’il te faut. Viens avec papa, mon petit ! » S’écria-t-il.
Attrapant le gamin par le bras pour l’arracher à sa chaise, il le tira hors du bureau. Des sbires et gardes, alignés dans le couloir, s’inclinèrent sur le passage du parrain, en criant des « bonsoir, monsieur ! » enthousiastes. Le regard plein d’une détermination machiavélique, Raijin traîna le gamin au bout de son bras dans les cuisines. Il l’assit sur un tabouret, face à une grande plaque chauffante, et jeta dehors les pauvres cuisiniers. Le petit Kuro releva la tête vers lui, méfiant. Qu’est-ce qu’il pouvait encore bien mijoter ? De son côté, un large sourire aux lèvres, Raijin retroussa les manches de son grand kimono. Il adorait porter des kimonos lorsqu’il était chez lui. Pour lui, ces vêtements donnaient une classe qu’aucun costume n’égalait. Et puis, comme tout le monde était en costume, ici, cela lui donnait une occasion de plus de se démarquer. Fredonnant un air gai, il sortit les ingrédients du frigo et se mit à préparer une mystérieuse pâte. Il avait prévu son coup depuis la veille, et avait soigneusement étudié la recette, afin de faire comme s’il la connaissait par cœur. Intrigué et surtout tombant en plein dans le panneau, le petit garçon le regardait faire avec attention, impatient de savoir ce qu’il lui cuisinait. Une vingtaine de minutes, une boîte d’œufs cassés sur le sol, un sachet de farine renversé par terre et plusieurs doigts égratignés par un grand couteau de cuisine plus tard, l’okonomiyaki avait fini de cuire, et se logea dans une assiette ronde en bois massif. Tout aussi joyeux et surtout fier de son exploit, Raijin sortit une boîte de sauce toute prête du placard et en aspergea généreusement la crêpe. Il ajouta une poignée de bonite séchée et déposa le plat devant son fils adoptif. Lui mettant une paire de baguettes en main, il s’assit près de lui, un large sourire aux lèvres. Le gamin, surpris, baissa de nouveau les yeux sur la crêpe. Il avait déjà mangé des okonomiyaki, et ça n’avait pas vraiment cet aspect là, normalement. Celui que venait de lui préparer Raijin était un peu brûlé sur le dessus, complètement difforme et si couvert de sauce et de bonite qu’on ne voyait même plus à quoi ressemblait le plat d’origine. Mais…En fin de compte, ça n’avait pas l’air si mauvais. Et puis… Tout ce qu’il avait mangé jusqu’à présent avait été préparé par les cuisiniers de ses parents. Des gens qu’on payait pour ça. Jamais personne, même pas sa mère, qui aurait eu trop peur d’abîmer sa manucure, ne lui avait préparé un plat rien que pour lui. Prenant son courage à deux mains, le petit Kuro saisit ses baguettes et prit un bout de crêpe qu’il enfourna dans sa bouche. Son visage se crispa soudainement. Non, c’était vraiment, vraiment pas bon. La pâte était trop épaisse, la viande, pas très cuite, et il y avait trop de sauce. Pourtant, tandis que les larmes lui montaient aux yeux, le gamin mangea une bonne moitié de la crêpe, et déclara, à l’attention du parrain :
« Gochisôsama deshita*. » *C’était très bon, merci.
A ces mots, Raijin sourit tendrement, et lui jeta une serviette en papier pour qu’il se mouche. Ah, les jeunes… Repensant à cet inoubliable souvenir, le Kurogane adolescent sentit les larmes lui monter aux yeux, à lui aussi. Une fois qu’il eût terminé les trois quarts de la crêpe, laissant magnanimement le dernier quart à la cuisinière, il lança la même phrase de remercîment, et se leva de sa chaise, l’air troublé. Avant de partir, il se retourna vers la chinoise, et revint l’embrasser sur la joue. Maintenant qu’il s’était habitué à elle, il avait vite oublié cette histoire de respect aux aînés.
« Arigatô, obaa-chan*. » *Merci, mamie.
Puis, il sortit de la pièce, un léger sourire aux lèvres. Du revers de son poignet, il essuya ses larmes, et retourna s’enfermer dans sa chambre. Plus qu’un plat, elle venait de lui offrir un beau moment. | |
| | | Hui Ying
Messages : 32 Date d'inscription : 10/08/2010 Age : 32 Sexe du Personnage : féminin Profession : Alchimiste
La vie d'avant... Date de Naissance: 6 mai 1856 Âge du Personnage: 164 ans Lieu de Naissance: Chine
| Sujet: Re: Itadakimas. - PV. Hui Ying Ven 22 Oct - 16:44 | |
| Hui Ying déglutit péniblement. Son cœur battait vite. Dans quelques instants, son sort allait se jouer. Si ce n’était pas bon, il ne la laisserait jamais repartir vivante d’où elle était venue, enfin plutôt d’où il l’avait tirée. Si c’était bon, ce à quoi elle doutait fort, ne s’étant jusque-là encore jamais essayée à la cuisine japonaise, elle survivrait. Cependant, ce dernier cas de figure était tout aussi malencontreux que le premier. En effet, elle devrait dès lors devenir son esclave attitrée. Dans tous les cas donc, son éternité serait un véritable cauchemar. Suite à ces considérations, elle se fit la réflexion qu’elle devrait peut-être tout aussi bien écarter l’assiette de son bourreau. Mais si elle lui faisait pareil outrage alors qu’il était apparemment affamé, il l’assassinerait du regard et exigerait qu’elle remette son dû à sa place sous peine d’encourir sa fureur divine. Elle soupira. Pas le choix. Il ne lui restait donc plus qu’à attendre le verdict. Elle attendit donc patiemment, le toisant à la dérobée. Elle ne voyait pas grand-chose à cause de ses mèches quelques peu ébouriffées par l’oreiller, gardant toujours la tête baissée. Après un court instant, elle le vit agripper une spatule en métal, trancher un morceau dans l’okonomiyaki, s’équiper de la paire de baguettes qu’elle avait posées à son attention, attraper un bout encore fumant, et le porter tout doucement à la bouche. Il mordit dedans. Hui Ying songea qu’elle aurait peut-être dû mettre plus de crevettes, et puis ce n’était peut-être pas tout à fait cuit à l’intérieur. Elle ferma les yeux dans l’angoisse. Ca y est, c’était la fin. Un cri la surprit. Elle rouvrit les yeux et redressa vivement la tête. A son grand étonnement, Kurogane avait l’air ravi, les yeux écarquillés et affichant un large sourire. Bref, le visage de quelqu’un qui connaît en cet instant la plénitude du bonheur et qui, béat, profite pleinement de son sort. Elle remit une de ses mèches de devant derrière son oreille et arbora un sourire timide. Ouf. Au moins, elle pourrait respirer encore quelques heures avant le prochain caprice de l’intéressé. Et puis, ce n’était pas si mal de voir que ce qu’elle avait fait était bon, elle qui ne s’était pas remise aux fourneaux depuis… passez-moi l’expression… une éternité. En plus, c’était la première fois qu’elle faisait un oko-machin-chose. Il mangeait goulument. Elle était tout de même un peu fière. Son sourire s’effaça quand son excellence décida dans sa grande mansuétude de lui faire goûter son œuvre. Comme elle avait entendu dire que les jeunes filles étaient très pointilleuses sur leur régime alimentaire, elle prit le premier prétexte venu. « Non, non, ça va. Je n’ai pas très faim, et puis… euh… je fais un régime. Oui voilà. J’ai pris du poids ces derniers temps alors il faut bien que je compense un peu. Ce ne sera pas possible… »Elle se tut, acceptant son sort en pleurant intérieurement -elle n’aimait pas les mets bourratifs. Du reste, rien ne servait de se débattre avec un maître pareil. Elle pesta donc intérieurement contre Dieu, si tant est qu’il exista, tandis que le jeune homme lui glissait entre les doigts une paire de baguettes et lui désignait du doigt le plat d’un air enthousiaste comme si elle était une... brave fille. En un langage moins voilé, une idiote profonde. Elle haussa un sourcil. Il était vraiment un gros gamin sans cervelle quand il était heureux. Enfin. Son regard se posa sur la « chose ». Ils mangent vraiment des drôles de trucs ces Japonais. On dirait de la bouillasse, ou bien le fond d’une benne à ordures d’une quelconque usine désaffectée. Quelque chose de pas très digne de confiance quoi. Bon, c’est vrai que c’est elle qui l’avait cuisiné, mais ça ne change rien aux faits. Si ça se trouve, il y avait incorporé de l’arsenic entre temps et c’est pour ça qu’il voulait qu’elle y goûte. Ce sourire enthousiaste était si suspect chez Kurogane. D’ordinaire, quand il était comme cela, c’est que quelque chose de mal allait arriver à Hui Ying. En général quand il s’ennuyait d’ailleurs. Elle avança ses baguettes donc, hésitante, et piqua un morceau. Elle l’achemina lentement jusqu’à sa bouche, le souffle coupé. Elle lâcha un dernier regard pathétique en direction du bourreau, mais celui-ci n’y prêta pas attention et empoigna à ses baguettes. Toi, que je vois pour la dernière fois, sache que j’ai bien vécu. Je m’en retourne à présent là où était ma place avant de descendre sur Terre. Je n’ai aucun regret si ce n’est de ne jamais avoir osé dire non. Tiens, ça me rappelle cette fois où j’ai été forcée d’ingérer un « doner kebab », ultime arme de Satan : il était tard dans la nuit, j’avais faim et le seul marchand ouvert était spécialisé dans ces choses venues de l’Ouest. Des choses pas très shintoïstes, je vous le dis. En tout cas, le lieu était crasseux, la graisse coulait le long des murs et un énorme morceau de viande rôtie suintait à l’air libre, subtile métaphore de l’âme damnée dans les tréfonds des Enfers. Le vendeur, un être répugnant à l’haleine fétide et au regard concupiscent me proposa l’objet du diable. Vous n’avez pas quelque chose de moins… lourd ? Lui disais-je. Il se pencha, la lèvre inférieure tremblante et le front lisse à cause de la sueur. Non, ma p’tite dame. Ici, on ne sert que les « doner kebab ». Mais essayez, c’est délicieux. Sourire édenté, les seules dents qui lui restaient étaient jaunes et sans doute pourries à la racine. Je ne pus refuser et là, une masse huileuse vint se poster devant mes yeux ahuris. Avec ou sans oignons ? Euh, sans je crois. Les morceaux venaient un à un chuter dans mon estomac, telles des pierres jetées dans un puits sans fond… sauf que là, il y avait un fond. L’huile rampait sur les parois de mon œsophage pour parvenir à mon suc gastrique qui, impuissant face à cet affluent, se tenait la tête entre ses mains en soupirant de désespoir. Une dure bataille fut menée, et l’issue ne me fut pas favorable ; toute la boîte d’alkaselters y passa d’un tenant. Et bien… je m’en vais mourir une deuxième fois. Je te préviens, je lègue mon corps à la science et j’exige que tu brûles mes précieux livres après moi pour que personne d’autre ne puisse violer leurs insondables secrets. Vis pour moi, mon fils. Car la vie est courte et semée d’embûches. Elle engloutit le morceau et, surprise, écarquilla les yeux. Mais ce n’est pas si mauvais ce suppôt de Satan. Ouais, pas si horrible que ça en fait. Elle savoura en silence tandis que son « hôte » dévorait les trois quarts du plat. Quand il fut enfin repu, il se leva et la remercia chaudement, la gratifiant au passage d’un baiser sur la joue. Son sang se figea, mais elle ne bougea pas pour ne pas le froisser et sourit faiblement en hochant la tête. Il sortit et ses yeux rivèrent sur l’assiette. Il restait encore un quart d’oko-machin, ultimes vestiges d’un puissant empire. Elle se rappela les innombrables statues de soldats qu’on avait enterrées avec la dépouille de l’empereur Qin. Ils gisaient là, inertes, et rappelaient aux générations futures toute la magnificence qui était censée caractériser le défunt. Comme ces Egyptiens en fait. Elle sourit et s’assit à la place de l’Autre. Les baguettes en mains, elle dégusta le dernier quart qu’il avait apparemment laissé là pour elle, en signe de reconnaissance. Un véritable enfant. Songea-t-elle. Quand elle eut fini, elle embrassa toute la vaisselle d’un regard. Misère… Oh, le cuisinier s’en chargera pour moi. Elle alla feuilleter dans un coin le livre de cette Harumi que l'autre idiot avait oublié, pour voir ce qu’elle ferait la prochaine fois. PS : Pardon, Leslie, d’avoir tant tardé. Je ferai tout pour me faire pardonner… absolument tout ce que tu veux… Mais enfin quoi ? Mes propos? Ambigus ? Ahla ahla (mode japonaise, une main sur la joue et faisant un geste de la main). Qu’est-ce que tu as l’esprit tordu ma parole. Je parlais bien entendu de te refaire un okonomiyaki ou tout autre met, comme il vous plaira votre majesté. | |
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